Derrière le Duc va-nu-pieds, il y a Marjorie

Pour ma plus grande satisfaction tant du corps que de l'esprit, j'ai passé pas mal d'années les mains dans la terre via la céramique. Il m'a plu d'explorer le processus qui part de l'extraction et du traitement d'argile locale, en passant par le modelage, le tournage, l'engobe, l'émaillage et enfin les cuissons. Mon cœur balance clairement du coté des cuissons primitives, à feu ouvert, raku, etc. Parce que tu manies le feu, parce que tu es dans un effort physique assez intense, et parce que "pouf" tu passes un couloir temporel qui te renvoies aux origines de l'humanité. Le recul me permet de dire aujourd'hui que la terre fût une enseignante hors pair! Lorsque tu décides de signer un pacte avec elle, de jouer son jeu sur la durée avec ce que cela implique en termes d'investissements, elle te pousse à t'explorer dans tes moindres recoins. Elle teste tes limites, ta force physique et mentale, botte les miches à ton ego, t'offre un espace de douceur aussi, de centrage, de soin, t'interroge sur les grandes questions existentielles de l'identité, des ancêtres, des origines. Tu deviens tour à tour explorateur, philosophe, poétesse, alchimiste. Tu apprends à t'harmoniser avec toi-même pour ne faire qu'un avec elle. Tu te retrouves projeter en des temps préhistoriques, puis dans les rues étroites et terreuses des mégalopoles mésopotamiennes, à bord d'une pirogue sur le mystérieux fleuve Niger, en plein cœur d'une cérémonie du thé au Japon, etc. Tu l'auras compris, mes premières amours avec la terre ne sont pas mortes!


Parallèlement j'ai testé tout un tas de techniques (travail du bois, du métal, sculptures en papier mâché, peinture, etc.).


Depuis quelques années, je suis tout de même dans une démarche (spontanée et non contrôlée) plus introspective où j'éprouve moins le besoin de mettre mon corps en action via ma créativité. Cette démarche m'a menée vers les arts graphiques, illustration et linogravure. Avec mes sujets de prédilection qui demeurent les mêmes depuis bien longtemps; l'exploration des interstices, de ce qu'il y a entre, en dessous, en dedans; de ce qui est camouflé, dissimulé, enfoui. Je suis attirée par ce qui est rugueux, fissuré, mal réputé. Par ce qui fait lien aux origines aussi, aux ancêtres, à l'essence. Je suis inspirée par l'idée du cycle, de la transmutation. J'aime l'idée de tenter de mettre de la beauté sur ce qui est perçu comme "effrayant" selon certains stéréotypes. Je voue un culte à Boris Cyrulnik et son concept de Résilience! Ainsi qu'à Jérémy Narby et son fabuleux "Serpent Cosmique"! A Carole Martinez et son incontournable "Du domaine des murmures"! A Henri Gougaud et ses merveilleux travaux autour des contes originels!


Enchantée!

L'origine du nom

A la croisée des chemins avec le majestueux Hibou Grand Duc.


Une première rencontre à l'état sauvage dans l'un de mes lieux "temples". Furtive mais intense.

Puis il fût l'un de mes gardiens païens durant un certain nombre d'années. Je l'entends, le vois réellement ou en rêve dans des moments clés. Il m'accompagne dans mon nomadisme, puis me guide, me maintiens dans mes périodes d'errance.


Mon obsession fût telle que la question de la fauconnerie s'est posée. La séduisante fauconnerie comme un défi, comme une possibilité de créer un lien privilégié avec le rapace, comme une volonté de s’apprivoiser soi-même, comme un sentiment de reproduire des gestes ancestraux, comme une possibilité d'être uniquement emprunte du présent.

Comme à mon habitude lorsqu'une idée ma taraude, je passe à l'action. Rendez-vous calé avec un fauconnier bien connu de ma région!

« Enfile un gant », me dit-on. « On part en forêt pour nourrir deux rapaces. Tiens, glisse des bouts de poussins congelés dans ta sacoche. On y va! » Ah bon! Je ne m’y attendais pas! Mais quel bonheur, moi qui ne jure que par l'expérimentation et l'imprévu! Quelques instructions, et me voilà en compagnie d’Ulysse, pas un grand duc, mais une buse Harris au poing. Je redeviens corps complet et instinct. Je lâche Ulysse, il se perche non loin sur une branche et accepte de revenir se nourrir sur mon poing. La notion de temps, les préoccupations, les bobos du quotidien disparaissent instantanément. Encore aujourd'hui, je remercie grandement Ulysse, ce jeune mâle agile au caractère craintif, emprunt de douceur qui m’a permis d’interagir avec lui.

Puis le fauconnier percevant ma fascination pour le hibou grand duc que je lorgne sans arrêt du coin de l’œil, me propose de le rencontrer de plus près...


Mon élan m'a poussé vers la fauconnerie, avec en arrière-plan un désir de possession, d’exclusivité. Avec des interrogations autour de la nature humaine qui semble en recherche d’appropriation, de maîtrise, de domination.

Mon cœur m’invite au calme, à la patience, à la contemplation avec en arrière-plan une réflexion autour de la lenteur, du détachement, de l’intégration d’un tout non hiérarchisé.


Puis quelques années plus tard, le Duc va-nu-pieds est né.